lundi 19 mai 2014

Confiture de poête ou miettes de vie de Sébastien Haller

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Trou noir
Qu'est ce qui se cache derrière ses mots ? 
Un voleur de sentiments, aspirateur fou
Qui prend sans demander la sensation d'une peau,
Le charme est le frisson d'un baiser dans le cou ?

Qu'est ce qui se cache derrière mes yeux ?
Un idéaliste qui croit dans ses rêves, 
Qui croit encore aux fées roses et aux dragons bleus ?

Qu'est ce qui se cache au fond de mon cœur ? 
Des milliers de papillons à la vie brève
Et des sentiments si forts qu'ils font parfois peur.



Si vous ne lisez que ces lignes;

Une poésie fraiche, tantôt comme un sortir de l'enfance tantôt comme une plaie à vif...  Poésie de l'instant, de l'instinctif, sans correction des tournures et recherche du "joli". Une poésie d'homme, où le désir est exprimé; vivifiant, où les espoirs sont malmenés et les rêves consignés. 

Sébastien Haller 


"Petit, déjà, d'après ma mère, j'étais joueur avec les mots, les décomposant, faisant des rimes, jouant sur des sonorités approchantes. 

Plus tard à l'adolescence je développai mes mots et mes maux en ne disant que trop peu ce que j'avais sur le cœur... 

Ce qui fait que depuis longtemps j'ai appris à m’écouter et quand l'envie m’en prend, (c'est très aléatoire) j'écris. Des nouvelles, des poèmes, des haïkus, des jeux de rôle, des scénarios.

Bref voilà : vers mes vingt ans, j'ai rencontré un poète, un vrai un de ceux qui veux en vivre, je ne pense pas qu'il y ait réussi... Patrick Hoigne. Celui-ci en était à son quatrième livre (je crois que je dois en avoir sept ou huit de lui) et un jour qu'il a eu un souci d'informatique (il avait perdu un manuscrit dans un disque dur hs...) je le lui ai récupéré et j'y ai jeté un œil.

 Ça m'a mis une claque, pas de celle qui font mal, de celle qui te pousse derrière la tête et te font avancer.

J'avais alors écris la moitié du tome que tu as entre les mains, dans la nuit qui suivit j'ai pris toutes mes notes, mes compo inachevées et j'ai accouché de ces miettes de vie. Miettes de vie parce que prise par-ci par-là, dans un bar, un cyber café, un concours de poésie... laissées sur la route tel le petit poucet pour retrouver son chemin.
 
Il est resté un long moment dans une boite, puis en haut d’une armoire...
Quand j'ai remis la main dessus il y a trois semaines, ça avait la saveur de ces pots de confitures que tu as sur une étagère depuis des mois et que tu ouvres parce que tu n'as rien d'autre pour faire un gouter. Un repas de roi que celui-ci. Je n’ai pas voulu l'ouvrir, ni en corriger une ligne (alors que j'aurais dû) car j'ai eu peur de reculer avant de sauter le pas de la publication. Ma tête se remplissant de "et si..." Et voilà, une dizaine de clic plus tard, j'avais commandé mon premier tome."

Ce que j'en ai pensé


De la poésie à vif. Pas faite pour être belle, ni pour emporter le lecteur, non, simplement pour dire, de cette langue riche de sentiments et de nuances propre aux poètes. Loin de la poésie bourgeoise, celle que nous propose Sébastien Haller ici est intime, et d'une honnêteté confondante: pas de faux semblants, le poète des rues se livre en totalité, sans désir d'embellir ses mots ou ses maux, comme il nous le dit... 

A la première lecture, habituée à lire de la poésie léchée et lisse bien que belle, j'ai été saisie et presque gênée. Mais ce sont des sensations que j'avais ressenties lors de lectures de haïkus; du vrai, du vivifiant, du cru et des idéaux par moments oui; mais bien ancrés dans le bitume. C'est donc à une sortie du carcan occidental de la poésie, un refus du cadre pour peindre les murs de sa vie, autobiographie en instantanés de poésie que l'on est convié. Un retour aux sources du travail de poète, plongeant vers les racines du genre et le JE de Villon ou de Senghor: gênant et se défaisant des conventions sociales.

La rigueur ici est placée dans une mise à nu sous lumière parfois cruelle, à un minimalisme qui épure toute forme de style pour accéder au cœur et à l'inconscient du poète. L'exercice, bien que pouvant paraitre facile aux premiers abords est réussi et force le voyeur qui est en nous à un sursaut de pudeur: la naïveté fait fondre le vernis cynique et touche en résonnance le lecteur.

La poésie, exercice se jouant du signifiant pour taper dans le signifié de nos neurones miroirs est ici repensée, proposée sous un angle qui, malheureusement se fait rare dans la poésie occidentale... Trop souvent auto-masturbation intellectuelle ou égotique, elle remet ici en cause le "sauvetage de face" social que décrit si bien Goffman, ne nous délivrant le beau et lumineux qu'au prix d'une plongée dans l'humain. La métaphysique se reconnecte à la chaire, les désirs de transcendance aux réalités triviales.  Amoureuse de La chute de Camus, du parfum de Süskind ou encore de La guitare de Castillo, je m'explique facilement le plaisir que j'ai eu dans ces poèmes humains honnêtes et simples. 

Polaroïd d'une génération paumée, le bateau y est parfois ivre de chite et y résonne la ballade des pendus des Assedic... Intérims, Petits boulots, rencontres lumineuses et soif d'amours qui durent,  c'est un filigrane de la génération née dans les années 80 qui nous est délivré en toute simplicité. L'apesanteur sociale souffle ici sur les ailes du rêveur impénitent, faisant écho aux murmures que nous cachons tous dans nos cœurs.

Seul bémol, j'ai trouvé parfois des formules toutes faites et des chutes de poèmes parfois moins belles que les poèmes dans leurs corps, mais ce ne sont que des points de détails qui se résoudront facilement dans l'exercice du métier...

Un premier jet vivifiant, un avant-gout de Cohen, qui (je l'espère) ne perdra pas cette véracité dans les avancées que fera le poète dans ses prochains écrits...


Sur la route

Je suis parti courir
Courir je ne sais où
M'oublier, me mentir
Oublier que je suis fou

Vider ma tête sur la route
Déposer mes idées sur l'amour
Oublier mes peurs et mes doutes
Voilà entre autre pourquoi je cours

En résumé...  

 
Les plus;

  • Une écriture sans faux semblants,
  • du vécu  et une mise à nu confondante,
  • des moments de libérations lumineuses poétiques, 

Les moins;
  • Une simplicité qui ne touchera peut-être pas les plus blasés,
  • des chutes parfois moins réussies que les poèmes en eux-mêmes, 
  • un ouvrage court: on en redemanderait en rab !

En conclusion;

Un premier recueil autoédité qui donne envie d'en lire plus, poussant la poésie dans une démarche honnête qui se libère des carcans stylistiques. La photographie d'un être humain et d'une génération au travers de ses ressentis, posant ses rêves et peurs en mots sans fausse pudeur ni coquetterie. 



 cités dans cet article;

 






 Pour aller un peu plus loin ; 





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