dimanche 17 août 2014

Le jour de l'effondrement de Michèle Astrud

Je ne voulais pas survivre. C'était bien le cadet de mes soucis. Replié, tassé sur une chaise, la tête baissée, j'attendais juste quelques mots de plus, une seule phrase : "Vous n'avez rien à ajouter ?" pour tout cracher, tout avouer.


Si vous ne lisez que ces lignes;

Un roman du souvenir et du ressentit, profond et noir comme des eaux de nuit. Un personnage torturé, floue comme un résidu de ricochet, une histoire par bribes de mémoires, résurgence des sens... 


Michèle Astrud

Michèle Astrud est née à Dijon en 1964. Elle enseigne le génie civil à Rennes.


Depuis 2001, sont parus les romans suivants : Amitiés, L’Aquarium, Souris grises, pour lequel elle obtient le prix Pierre Mocaer décerné par l'association des écrivains bretons, Monplaisir Sans-souci (Éditions Entre-Pont), J’ai rêvé que j’étais un garçon et Vue sur la mer, rouge (Diabase).

En 2008, une de ses nouvelles est sélectionnée par les libraires pour un ouvrage collectif édité par Livre et lecture en Bretagne.

Le jour de l'effondrement est son septième roman, publié Aux forges de vulcain.  

Un entretien avec l'auteure ici.


Le pitch 
Un jeune homme revient chez lui, au bord du fleuve où, cinq ans plus tôt, il a tué son meilleur ami. 
Fasciné, il redécouvre la ville de son enfance, étrangère et familière, et se remémore cette amitié tourmentée jusqu’à l’événement fatal.

Récit entre ombre et lumière, roman intense et fervent où la nature reflète les passions, Le Jour de l’effondrement emporte son lecteur jusqu’à la résolution – et l’apaisement.
 « Là où il est tombé, s’est creusé un gouffre. Un trou d’eau noire qui absorbe toute la lumière. Le centre de ma mémoire. Les eaux bouillonnent, saccagent les berges sablonneuses. Demain, je reviendrai, je plongerai là, exactement. Demain… quand il fera jour. »

Ce que j'en ai pensé

Comme toujours, aux forges de vulcain, l'on sait choisir les récits décalés et parfaitement écrits donnant une perception autre de la réalité. Sobre, faite de ressentis et sans s'embourber dans des détails inutiles, Michèle Astrud nous mène par la plume vers les eaux sombres, plongeant le lecteur inexorablement dans la mémoire d'un inconnu, pareillement a un kelpie... 

Une fable moderne donc, immergée entre deux tours d'immeubles industrieux, entre deux jeunes-hommes, entre deux familles. Une lente coulée dans la peau trop étroite et craquelée du narrateur, le véritable noyé de l'histoire... Car au final, qui de la victime ou du malheureux meurtrier s'est perdu à tout jamais ?

Court (184 pages) mais extrêmement dense, il m'aura fallut du temps pour lire ce récit, un temps émaillé de nombreuses pauses comme autant de goulées d'air. C'est en cela que je peux estimer l'expérience réussie; Michèle Astrud à bien faillit réussir à m'attirer sous les eaux, entre les laminaires, faisant miroiter l'inconnu des fonds de rivières et de la psyché humaine... 

Malheureusement, en fin de roman, ne m'est restée qu'un soulagement de ne pas avoir bue la tasse... De trop nombreuses frustrations ressortent de cette lecture; frustration d'une non-fin ainsi que d'un non-début, d'un manque de surprises, et enfin, d'un manque d'attachement aux personnages... Cependant, il relève très certainement plus d'un rendez-vous manqué, d'un manque de synchronicité entre ce roman et moi, que d'un réel manque de qualité... 

Héro singulier, pourtant noyé dans la masse sociétale, le protagoniste principal est à l'image de ces friches industrielles, de ces non-lieux, et peut-être son héroïsme tient-il en un choix de mode de déperdition... Courage vain et suicidaire, courage du condamné à mort.  Écrit finement, c'est un roman de l’absence des vivants et de l'omnipotence des morts; histoire d'une vie en forme de mausolée. 

C'est donc intellectuellement que j'ai apprécié la proposition contenue dans Le jour de l'effondrement, excitation du mental pour un chemin de traverse original, mais sans adhésion par les sens et les émotions. 

Contrairement à d'autres lecteurs, je n'y est vue aucune rédemption, aucune fin apaisée, mais bien plutôt la promesse d'un funeste avenir, le héro ne m'ayant pas paru évoluer dans sa démarche. Ce roman est-il, pareil aux flots évoqués tout du long, un miroir proposant ce qu'on veux bien y voir ?

Objet curieux, enthousiasmant, perturbant, Le jour de l'effondrement ne laisse pas indifférent, quelle qu'en soit la résultante. Ainsi, la réflexion nait au fil de l'eau; l’expérience littéraire, pareillement à la confrontation aux autres arts, ne réside-t-elle pas en la provocation d'un remous chez le lecteur ?

Il pouvait débarquer d'une minute à l'autre. N'importe quel jour, à n'importe quelle heure, nous l'attendions; les deux femmes n'étaient pas inquiètes, elles avaient l'habitude, mais je finissais par m’exaspérer.

En résumé... 

Les plus;
  • Une écriture fine et intelligente,
  • une ambiance et des psychologies bien posées,  
  • une expérience de lecture intense,
  • un regard sur notre société décalé.

 Les moins;  

  • Une impossibilité pour ma part de m'attacher aux personnages,
  • un manque de surprise dans le déroulement et la finalité de l'histoire.
 

En conclusion;

Un roman au fil de l'eau, sur la disparition et l’envahissement de nos vies pas des êtres flamboyants. Intimiste, populaire sans être populiste, Le jour de l’effondrement est un roman de la mémoire, et de ce qu'elle peut nous imposer de tortures.


 

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