mercredi 29 octobre 2014

Punk's not dead d'Anthelme Hauchecorne

Ambre détaille la foule. Sous les costumes et les maquillages, la liesse et les sourires, elle flaire l'appréhension. A l'ombre des toitures de craie, les Sylvères sanguinaires de la Garde d’Écorce veillent au maintient d'un règne de terreur.
(in "Le roi d'automne") 

Si vous ne lisez que ces lignes;


Si, quand vous étiez petit, vous aimiez bien les monstres*, et que vous rongent des mondes possibles et des envies d'ailleurs: bienvenue dans la prodigieuse parade d'Anthelme Hauchecorne. Tour-à-tour drôle, merveilleux, funeste ou cocasse, ce cercueil de nouvelles vous enchantera par la qualité de l'écriture mais aussi par le cri d'amour à la liberté qu'il pousse.


Anthelme Hauchecorne

 

Anthelme Hauchecorne naît en 1980 dans une famille de la classe moyenne. Ses études mêlent droit, économie et sociologie, trahissant une passion précoce pour les mélanges douteux. En 2007, l’auteur obtient le concours d’enseignant en économie-gestion. Jeune titulaire, son affectation le contraint à quitter sa Lorraine natale pour rallier le Nord-Pas-de-Calais. 

 

Où qu’il aille, l’encre des mots le suit comme une ombre.  Ses romans touchent au fantastique et aux questions de société. L’auteur affectionne les univers régionalistes et documentés, multipliant les clins d’œil aux lieux et aux légendes locales. Son premier roman, La Tour des Illusions, prend place en Moselle. Le suivant, Âmes de verre, puise ses racines dans sa région d’adoption, le Nord-Pas-de-Calais. L’intrigue prend pied dans la métropole lilloise, entrecroisant déclin industriel, critique de l’inhumanité urbaine et résurgence de la cosmogonie celte.

Ses droits d’auteur sont reversés :
Pour La Tour des Illusions, au Secours Populaire
Pour Baroque ’n’ Roll, au Parti Pirate, afin de défendre l’Internet libre
Pour Âmes de Verre, aux recherches du Professeur DOLLFUS destinées à lutter contre le syndrome Bardet-Biedl.
Pour Punk's not dead, à l'ONG Sea Shepherd

Son site pour voir et lire des tonnes de documents est par là


Loïc Canavaggia


“Je suis un illustrateur originaire du sud le la France. Je suis né à Arles, dans les Bouches du Rhône le 02 janvier 1978 et j’habite actuellement dans la Marne depuis l’été 2008. J’ai decouvert le dessin, comme je pense beaucoup de personnes de ma génération, avec l’arrivée massive des animés japonais et autres mangas.


Du haut de mes 8 ans, je me suis pris de passion dans la représentation de mes héros favoris. J’en ai passé des heures assis sur mon lit à gratter mes feuilles de papier canson avec comme appuie les 4ème de couverture de mes albums de Tintin (que Hergé me pardonne). Mon envie de dessin ne m’a alors plus jamais lâché. Plus tard il a fallu trouver un métier… trouver sa voie. Je n’ai pas eu l’occasion de faire des études d’art. J’ai dû m’orienter vers “un vrai métier” comme ils disaient… au grand damne de ma professeur de dessin. Mais d’une manière ou d’une autre, j’ai toujours réussi à assouvir ma soif du graphite. Je n’ai jamais arrêté de dessiner pour mon plaisir."

Une vingtaine d'illustrations originales (et toutes superbes) illustrent à merveille Punk's not dead.

Une très bonne interview pour découvrir ce dessinateur talentueux ; ici 
Sa page Facebook où vous pourrez contempler ses travaux ; par ici !

La folie des cuirassés dépiautés, des mines flottantes coulées, des torpilles et des ogives tactiques endormies, bercées de houle et de rêves d'Holocauste.
Tant de guerres ont achevé de reléguer les fiers sauriens de jadis en éboueurs des mers. 
(in "De profundis")


Le pitch   


À quoi l’Apocalypse ressemblerait-elle, contée par un punk zombi ?
Qu’adviendrait-il si le QI des français se trouvait d’un coup démultiplié ? Un grand sursaut ? 

Une nouvelle Révolution, 1789 version 2.0 ?
Est-il sage pour un mortel de tomber amoureux d’un succube ?
Les gentlemen du futur pourront-ils régler leurs querelles au disrupteur à vapeur, sans manquer aux règles de l’étiquette ?
 
Comment se protéger des cadences infernales, de la fatigue et du stress au travail, lorsque l’on a le malheur de s’appeler « La Mort », et d’exercer un métier pour laquelle il n’est pas de congés ?
 
Autant de sujets graves, traités entre ces pages avec sérieux. Ne laissez pas vos neurones s’étioler, offrez une cure de Jouvence à vos zygomatiques. Cessez de résister, accordez-vous une douce violence. De toute évidence, PUNK’S NOT DEAD a été écrit pour vous.




 Ce que j'en ai pensé


Comme chaque opus d'Anthelme Hauchecorne, Punk's not dead est tout à la fois un divertissement servit par une plume aux belles tournures sans toutefois jamais être lourdes, et un bel objet dans ses illustrations ainsi que dans les choix de format et de pagination. 

Servies par les  superbes planches de Loïc Canavaggia, voici donc 13 nouvelles toutes différentes dans le ton et la forme mais partageant un même fond... Humour, tragédie, monstruosité, beauté, lâcheté ou courage: tout y est, et chacune se révèle potache ou sombre tout en dénonçant les défauts et limites de nos systèmes de pensée. Punk's not dead donc; le voilà ressuscité dans la littérature française. 

A la manière des recueils de nouvelles L'homme doré de K. Dick ou Les Rois des sables de George R.R. Martin, Anthelme Hauchecorne explore des contrées imaginaires, miroirs déformants et grossissants de nos sociétés, prenant pour point de départ la culture et les musiques punk.  Mais qu'est-ce que le punk ?

On oublie souvent que le punk à la base n’était pas  une simple colère aveugle vis à vis des ainés et du futur social proposé. Non. Il était avant tout un cri de guerre pour la liberté, notamment celle d’essayer toutes les alternatives afin que chaque individu vive sa vie libre. Et c'est précisément le fond de Punk's not dead, avec, pour exemple, La ballade d'Abrahel faisant écho à La fin de Satan de Victor Hugo.

C'est donc en ce sens que ce cercueil de nouvelles, comme l'aime à l'appeler son auteur, est totalement punk. Tellement qu’il aurait pu s’appeler « liberté les dégénérés », et entendez dégénérés au sens étymologique du terme…  Parce que toutes ces nouvelles portent en elles des questionnements, des rêveries ou cauchemars posant, au fond, la même question : liberté ?  Comment, pourquoi, à quels risques, face à l’éternelle misère humaine qui, au final, trouve merveilleux de se sentir piégée *... La mutation génétique ou cognitive sera-t-elle une issues, tel que dans La guerre des Gaules, ou une impasse comme dans No future


Vacherie, Mégère Nature m'avait baisé jusqu'à l'os.
J'ai alors éprouvé un coup de blues.
Je suis resté chez moi à composer l'album punk rock que je n'avais jamais fini de mon vivant.
Avec pour thème, la merditude  de ce monde condamné.
( in "No future")


Mais n'est-ce pas le propre du punk d'être polymorphe, tant en musique avec le grunge ou le grindcore, ou dans les mouvements de révoltes sociales qui, au final, posent la même question que ce cher V pour vendetta ; entre quelles mains remettons-nous nos vies et notre (relative) liberté abreuvée par les millions de mensonges que l'on nous fait croire chaque jour *....

No futur donc. Pour les vieux modèles sociaux et les courses futiles et mortifères qu’induisent le capitalisme, la peur des autres, les classes sociales, le matérialisme et tout ce qui est, au final, délétère… No futur et résurrection du punk, dans toute sa noblesse, dans la fantasy et la sf d’Anthelme Hauchecorne.  

Mais cyberpunk aussi également. Entendons-nous ; le pont ici est assumé et assuré entre cette folle sf des K.Dick ou William Gibson et les nouvelles contenues dans Punk's not dead non pas tant pour des thématiques robotiques et/ou scientifiques (ici elles se rapportent plus au mouvement esthétique steampunk notamment dans Sarabande mécanique et Le gentleman à manivelle) mais bien dans les thématiques de la confrontation à un monde apocalyptique (No future) où les multinationales sont toutes puissantes et ne laissent aucunes alternatives au genre humain (Décembre aux cendres et Le buto atomique en sont de bons exemples). 


Certains scandales pharmaceutiques sont encore frais dans les mémoires françaises.
Mon remède vous parait farfelu. Soit.
Nos avis divergent pour une simple raison. Nous abordons cette affaire sous deux angles trop différents pour permettre à nos conclusions de coïncider.
(in "Le buto atomique") 

Ainsi, l'air de rien, l'auteur nous livre-t-il des critiques sociales assaisonnées de dragons et autres gnomes, de lords anglais à la rectitude toute mécanique ou de plongées dans le sidh...

Mais le punk, de même qu'Anthelme Hauchecorne, n'est pas dénué d'humour.... Ainsi, il serait fort aisé d'écouter les délires fumeux d'un certain Messire Quentin* de LW88 ou encore un bon morceau de punk celtique* en lisant C.F.D.T, une nouvelle emplie de scènes drôles, de personnages caricaturaux (parfois inattendus), ou encore en se délectant de Sale petite peste, nouvelle écrite en référence au maitre des jeux de mots qu'est Terry Pratchett. 

Fourbu, la Mort se retire dans son étude. Pour y découvrir que hélas, en son absence, Maître M. a dû faire preuve de trésors d'ingéniosité pour trouver une place à pléthore d'esprits SDF. Aussi son bureau est-il congestionné de linceuls reconvertis en hamacs, d'où montent des ronflements.
(in "Sale petite peste")

En marge également des modèles établis  est la démarche de l'auteur de proposer un aperçut sur les coulisses de chaque nouvelle, quelques pages brisant la distance élégiaque et incognoscible entre auteur et lectorat. Références littéraires ou culturelles, idées de départ, contexte, parcours de chaque nouvelle ou encore musiques écoutées lors de leurs compositions, sont autant de renseignements éclairants, permettant parfois une redécouverte de la nouvelle lue à la lumière des volontés de l'auteur. 

Un opus se terminant (cerise sur le gâteau) par une nouvelle concernant un personnage mystérieux d’Âmes de verres, à savoir Ambre Karmina pour les aficionados, dans Le Roi d'automne, éclairant le lecteur connaisseur sur certaines pratiques propres à ce clan tout en épaississant le mystère de cet univers envoutant, et (souhaitons-le) donnant le gout pour ceux découvrant cet univers d'y plonger totalement. 

Découvrez donc sans tarder les fosses marines emplies de dragons de De profundis, Sturluson le vieux héros viking dépassé par les mœurs de la jeunesse, Éva la courageuse enfant d'un Budapest en ruine ou encore Abrahel la succube aux souvenirs immémoriaux, et tant d'autres encore... Chacun vous attend pour vous conter son histoire, vous souffler ses luttes et espoirs, dans des chuchotements aux accords punks...

Les anges rebelles tentent d’accommoder les lieux. De changer cette calamité en opportunité. De travailler ensemble à leur propre Création. Une nouvelle Hénoch, plus haute et plus pure. Les premiers essais se soldent par des catastrophes. Pour la première fois, les vaincus expérimentent le mal des profondeurs. Dans cet abîme privé de clarté, leurs pouvoirs dysfonctionnent. Au mieux, les résultats s’avèrent calamiteux. Ils détruisent plus qu'ils n'érigent, ils blessent plus qu'ils ne soignent.
(in "La ballade d'Abrahel")

 

En résumé... 

Les plus;
  • Une écriture soignée et envoutante,
  • Des univers variés aux tons allant du léger au dramatique,
  • Un fond profond poussant souvent à la réflexion, 
  • Une bonne façon de découvrir la plume de cet auteur aux multiples facettes littéraires.
 Les moins;  
  •  Je n'en ai vu aucuns, hormis peut-être une qualité parfois inégale entre certaines nouvelles mais, en plus d'un même plaisir à leur lecture, j'ai trouvé intéressant de voir au travers de ce recueil l'évolution de la plume d'Anthelme Hauchecorne. 



De ces saints, David, tu es le fleuron. Reviendras-tu ici sans moi quand les coutures qui nous lient auront sauté ? A errer sous les frondaisons, à implorer la nuit de t'envoyer un autre amant ?
Sur un lit de feuilles mortes aux motifs de dentelle, nous nous allongeons.
 (in "La grâce du funambule")

En conclusion;

Une récréation aux gouts de punk, de fantasy, de sf et de steampunk, le tout saupoudré de réflexions passionnantes dans un objet à l'esthétisme aussi appréciable qu'une BD. Si vous ne connaissez pas encore cet auteur, découvrez-le donc au travers de ce prisme aux multiples facettes !

cités dans cet article







Alors, dans l'absolu que l'Être a pour milieu,
On entendit sortir des profondeurs du verbe
Ce mot qui, sur le front du jeune ange superbe
Encor vague et flottant dans la vaste clarté,
Fit tout à coup éclore un astre: _ Liberté.

(hors la terre II- La plume de Satan)
La fin de Satan, Victor Hugo


https://www.youtube.com/watch?v=Hbsy6XsWZl4
https://www.youtube.com/watch?v=Hbsy6XsWZl4



jeudi 16 octobre 2014

L'alchimiste de Khaim de Paolo Bacigalupi

-La magie nourrit le roncier, reprit-il. Pourtant, même vous, l'alchimiste, n'avez pas pu vous empêcher de l'utiliser.
-Juste un peu. Pour sauver ma fille.
-Chaque lanceur de sorts a une bonne excuse. 


Si vous ne lisez que ces lignes;

Un conte exotique où la magie à un coût élevé, posant un monde en péril face à des questionnements éthiques. Comme toujours Bacigalupi possède l'art et la manière de créer et conter des univers riches et colorés cachant un fond nous poussant à nous interroger. 

 Mais, très vite, on découvrit que le roncier prenait racine sur le cuivre aussi facilement que sur les champs labourés des fermiers et dans le mortier des murailles de l'immense cité d'Alacan. 

Paolo Bacigalupi


Paolo Bacigalupi est né le 6 août 1972 à Paonia dans le Colorado. Il a obtenu le prix Hugo du meilleur roman 2010, le prix Nebula du meilleur roman 2009, le prix John Wood Campbell Memorial 2010 et le prix Locus du meilleur premier roman 2010 pour La Fille automate. Son roman Ferrailleurs des mers a reçu le prix Locus du meilleur roman pour jeunes adultes 2011.

Pour le découvrir au mieux je vous propose cette excellente interview du Monde. 


Le pitch 

À Khaim, pour chaque sort lancé, des ronciers vénéneux et indestructibles envahissent le monde. L'usage de la magie est un crime puni de mort mais pourtant, lentement et sûrement, les ronces dévorent tout. Après y avoir consumé ses biens, sa vie et sa famille, un alchimiste trouve enfin la formule pour les détruire. Croyant fortune faite, il va trouver le maître de la cité. 

Entière et vivante, sa peau fumait de l'ignition du roncier. Des fils noircis de cendres de la plante la couvraient, ses cheveux avaient à moitié fondu, roussis et toujours emmêlés de fils meurtriers. Brulée, noircie et couverte d'ampoules mais miraculeusement vivante.

Ce que j'en ai pensé

Roman court possédant toutes les composantes d'un conte, L'alchimiste de Khaim posséde toutes les caractéristiques d'un bon roman de Paolo Bacigalupi. Un univers riche cohérent et exotique, des personnages attachants, une écriture travaillée et fluide et un fond portant son lot de réflexions. 

Ici c'est donc un royaume aux accents des Milles et une nuits  qu'un roncier envahit inexorablement, attiré et nourrit de la magie que tout un chacun pense être en droit d'utiliser que nous propose de découvrir Bacigalupi. Que cela soit pour sauver une enfant ou pour assouvir des projets urbains, riches et pauvres usent de la magie tout en ayant conscience des conséquences mortifères, et de l'exode qui en résulte à cause du mur de ronces qui avance. 

Roncier semblant vivant, craquant et sifflant lorsqu'il est agressé, il est un élément procédant de la magie de l'écriture de Bacigalupi: à l'image de la rouille vésiculeuse de La fille automate, l'auteur à le don d'user de mots connus tout en leur donnant une description décalée permettant une immersion rapide dans un univers original. Ici, le roncier possède des filaments velus empoisonnés et des cosses emplies de graines que les enfants ramassent pour rapporter trois sous. Menace contre laquelle les techniques de brulis ne sont que peux efficaces, corvée que les plus pauvres font sous forme de redevance moyenâgeuse, il est le glas sonnant la fin d'une humanité... 

L'alchimiste, Jeoz, est un homme qui, porté par ses rêve d'avenir pour son enfant, sa fille Jiala, souhaite sauver le monde et partager avec le plus grand nombre un mode d'existence où la magie serait sans conséquences. Inventeur de génie, il réussira à créer une machine pouvant détruire le roncier. Mais les puissants sont-ils les mieux intentionnés dans l'utilisation de la science ? 

En contrepoint, Pila, sa fidèle servante depuis des années, veillera sur eux et lui fera découvrir une sagesse toute relative à la famille. De même, chaque personnage procède selon sa propre vision du "bien" pour l'humanité et, malgré un abord caricatural des puissants, cette fable instille selon diverses focales la difficulté de construire sans détruire son prochain.

Véritable petite pépite de fantasy, ce texte est distrayant à souhait et remplit à merveille son but premier ; vivre une aventure auprès de personnages épiques.  Ajoutez à cela une réelle réflexion portant sur l'écologie, la science, la politique et l’éthique humaine, et vous aurez un Bacigalupi !  

Un lit extravagant. Imprégné de la vitalité et de la gloire perdue de Jhandpara. Une antiquité en bois de crécerelle - au grain rouge si fin étouffé depuis longtemps par le roncier -donc triplement précieuse. 

En résumé... 

Les plus;
  • Un univers cohérent immersif,
  • des personnages attachants,
  • un fond portant de nombreuses réflexions, 
  • une écriture fluide et distrayante. 

 Les moins;   
  • un texte trop court et une envie de savoir la suite de l'histoire qui malheureusement ne connait pas de tome 2 !
Quinze ans, ce n'était pas si long pour trouver le moyen de sauver le monde.

En conclusion;

Un moment distrayant et plaisant comportant des réflexions justes pouvant être vues en miroir de notre situation sociale et écologique. Courte, cette fable me semble un bon moyen pour découvrir cet auteur que j'affectionne particulièrement.














samedi 11 octobre 2014

Les derniers jours du paradis de Robert Charles Wilson

Elle ne savait rien ni sur elle ni sur son environnement, tout comme une carotte ne comprend ni le concept d'agriculture biologique ni la couleur orange. Elle ne faisait que vivre et croître, exploitant sans réfléchir les ressources à sa disposition: vide, roche, lumière du soleil, autres êtres vivants. Ses pouvoirs approchaient à certains égards ceux d'un dieu, mais d'un dieu insecte : sans esprit et potentiellement mortel. 

Si vous ne lisez que ces lignes;

Une écriture efficace au service d'idées attrayantes mais qui laisse un gout de trop peu en fin de lecture... Road trip paranoïaque, uchronie présentant cents ans de paix sur terre mais sous la férule d'insectes extraterrestres, Les derniers jours du paradis possède tous les éléments pour plaire mais n'y parvient pas tout à fait... 

Robert Charles Wilson 

Né à Whittier en Californie le 15 décembre 1953, Robert Charles Wilson est le cadet de trois enfants. Jusqu'en 1962, ce fils d'un salarié d'une société d’édition de cartes de vœux vit en Californie. À l'école, il se révèle un élève médiocre. Il émigre à 9 ans au Canada, dans la ville de Toronto.

En 2007, il est naturalisé canadien. Il vit actuellement à Concord, au nord de Toronto, avec son épouse Sharry. Il a deux fils, Paul et Devon.

Dès l’enfance, il est attiré par les récits de science-fiction et les mondes imaginaires ; il apprend à lire bien avant l’entrée à l’école primaire, et commence très vite à écrire de petites histoires. 

Son premier récit publié, sous le pseudonyme Bob Chuck Wilson, s'appelle Equinocturne. Il est paru dans le magazine américain Analog en février 1975, alors qu’il n’était âgé que de 19 ans.

Science Fiction et Isaac Asimov’s Science Fiction Magazine au milieu des années 80. Wilson est remarqué et une éditrice, Shawna McCarthy, qui l’avait publié à Asilmov magazine, lui passe commande de son premier roman : ce sera A Hidden Place en 1986, qui raconte l’arrivée d’étranges voyageurs dans le quotidien sombre de la Grande dépression américaine.

Viendront ensuite plusieurs romans, dont Vice versa, Les fils du vent et Le vaisseau des voyageurs, parus en France chez J’ai Lu dans les années 90.

Mais c’est avec Darwinia en 1988, puis Bios et Les Chronolithes, publiés par Denoël / Lunes d’Encre, que Robert C. Wilson s’est taillé une réputation d’auteur à suivre pour le lectorat français.

Plusieurs de ses œuvres ont reçu des récompenses littéraires, dont la plus prestigieuse dans le domaine de la science-fiction, le prix Hugo, pour son roman Spin en 2006. Ce livre est le début d'une trilogie, qui se poursuit avec Axis et Vortex, publié aux États-Unis en 2011.

Au sujet de ses œuvres, qui s'achèvent souvent de manière ouverte, il a déclaré :

«  Je n’aime pas beaucoup les livres qui proposent une fin définitive et bien emballée. Pour moi, ils ferment la porte à l’imagination, justement. L’histoire se termine, d’accord, mais la vie continue.  »
— Robert Charles Wilson, Interview au Cafard Cosmique

La science-fiction de Robert C. Wilson met l’Homme au cœur de l’intrigue. L’imaginaire n’intervient que pour imposer la confrontation des personnages. Pas de gros effet, mais des idées de départ toujours très fortes, et beaucoup de sensibilité dans le traitement des personnages.

  
Le pitch  
 
Alors que l’Amérique se prépare à fêter les cent ans de l’Armistice de 1914, un siècle de paix mondiale, d’avancées sociales et de prospérité, Cassie n’arrive pas à dormir. Au milieu de la nuit, elle se lève et va regarder par la fenêtre. Elle remarque alors dans la rue un homme étrange qui l’observe longtemps, traverse la chaussée… et se fait écraser par un chauffard. L’état du cadavre confirme ses craintes : la victime n’est pas un homme mais un des simulacres de l’Hypercolonie, sans doute venu pour les tuer, son petit frère et elle. Encore traumatisée par l’assassinat de ses parents, victimes sept ans plus tôt des simulacres, Cassie n’a pas d’autre solution que fuir. 

L’Hypercolonie est repartie en guerre contre tous ceux qui savent que la Terre de 2014 est un paradis truqué.
  
"Je me demande parfois si cette paix qu'ils nous ont donnée ne commence pas à se désagréger, dit Ethan.
- Ils nous l'ont imposée, plutôt que donnée. Et je ne suis pas sûre qu'on devrait parler de paix."
Pax formicae, pensa-t-elle. La paix de la fourmilière. 

Ce que j'en ai pensé

L'hypercolonie est une entité faite de milliards de cellules fonctionnant tel un cerveau et se comportant comme une entité insecte entourant la terre. Amplifiant et modifiant légèrement les signaux émis par les humains, elle régule les penchants belliqueux de notre race, dans un but qui n'est connu que d'elle. Chaque coup de téléphone, émission radio, programme télévisé est sous sa coupe et nul ne peut communiquer sans être sous l’œil scrutateur de ce grand être régulateur. 

Afin de mener à bien certaines missions incognito, cette entité produit des simulacres, ou sims, en tout point comparable à des être humains à la différence que leur cerveau et leurs organes internes sont remplacés par un liquide vert à la forte odeur végétale. 

La society, société secrète regroupant des scientifiques ayant découvert des pans de la vérité, est poursuivie et persécutée par l'hypercolonie. En 2007, nombres de ses membres ont été tués, ainsi que leur familles et, depuis, les survivants appliquent des principes de vie paranoïaques pour assurer sa survie. 

Cassie et son petit frére Thomas se retrouvent bien vite à devoir fuir, accompagnés de Léo et de Beth, deux autres jeunes ayant survécu au traumatisme de 2007. Bientôt, Nérissa et Ethan, l'oncle et la tante de Cassie et Thomas, ainsi que Beck, le père de Léo mais aussi le cerveau de la society, se lanceront à leur recherche.  

Amoureuse de SF et alléchée par ce programme, ainsi que par la découverte de ce grand monsieur du genre, je n'ai malheureusement pas réussit à entrer dans ce roman. 

En premier lieu à cause de l'aspect uchronique du roman qui, à mon sens, est quasiment inexistant. A aucun moment je n'ai eu le sentiment d'être dans un monde légèrement différent du notre, à l'image du Maitre du haut château de K.Dick, ou (pourquoi pas ?) dans une société plus steampunk comme dans La lune seule le sait de Johan Heliot, ce qui aurait put être justifier par la limitation technologique que semble subir l'humanité afin de protéger le secret de l'existence de l'hypercolonie. Sachant que la guerre est le moteur premier des avancées technologiques, mais aussi des changement géopolitiques, j'ai trouvé ce pan de la réalité décrite par Wilson trop peu développé, et sa réalité uchronique bien peu immersive .

Wilson à également fait le choix narratif de se faire alterner deux groupes de protagonistes tout au long du roman: les jeunes adultes d'un coté et les parents de l'autre. Je n'ai pas trouvé de réel intérêt à ce choix narratif; tous auraient put être intéressants, chacun développant (trop peu) un rapport différent à l'hypercolonie et aux simulacres. Ethan notamment, l'oncle entomologiste dont on a quelques aperçus de son livre tout au long du récit, développe par certains aspects une réflexion proche de celle du héros du cycle d'Ender sans jamais aller au fond des choses. De même, le désir de protection familial de Cassie etde Nérissa m'ont parus très proches, et les traumatismes vécus par chacun ainsi que leurs centres d’intérêts et façons d'appréhender l'hypercolonie trop peu exploités. 

A ces deux groupes, j'aurai préféré avoir le point de vue de l'hypercolonie ou d'un simulacre, ou du moins sa perception des événements, afin de comprendre les deux positions et les différences d'appréhension du monde. 

Si les cent premières pages m'ont permises de me mettre dans le bain et les cent dernières de finir l'histoire bon gré malgré, j'ai cependant subit les cent cinquante pages médianes, dans un road trip manquant de rythme pour être haletant, et sans grand intérêt pour l'histoire ou la découverte des ressorts psychologiques des personnages, le tout agrémenté d'un épilogue vaudevillesque... En effet, celui-ci m'a parut caricatural, même si j'ai apprécié que la fin soit en demie teinte.

Au final, j'ai le sentiment d'avoir eu  les même questions en début et en fin de roman, de ne pas avoir eu l'impression que l'humanité agissante comprenait ce qu'elle faisait, et d'un acte manqué de communication et de compréhension d'une entité complexe qui pourtant par moment à tenté de communiquer. Certes tout du long du roman il nous est rappelé que les simulacres ne ressentent rien et communiquent en calculant les meilleures paramètres pour arriver à leur fin... Mais n'est-ce pas le cas de tout un chacun, humain, animal ou végétal dans ses stratégies de survie ? Est-ce une raison pour autant de refuser tout contact ? 

J'ai également trouvé réducteur d'estimer qu'une entité ruche n'a pas la question du JE, notamment face à une espèce aussi individualiste que la notre... Là où il y aurait put avoir de L'homme doré et un développement intéressant des simulacres voir d'une seconde humanité, je n'ai rencontré qu'un grand vide apeuré et un coup de talon sur le cafard angoissant traversant le lino de la cuisine....

Certes, la réponse la plus probable de l'humanité à une telle invasion, quel qu'en soient les bénéfices, seraient très semblablement celle proposée par l'auteur.  Mais un roman de SF n'est-il pas là pour provoquer des questionnements, voir proposer de nouvelles approches de scénarios fantastiques ? 

 Peut-être était-ce là le but de l'auteur ? Une fin de non recevoir, faire naitre la frustration chez son lecteur afin de développer sa curiosité envers ce qui est autre ? En ce cas, j'ai bon espoir qu'il ait touché au but.

Reste que je n'ai pas ressentit d'émotions tout au long de cette lecture, et, paradoxalement, bien que les protagonistes soient des humains, j'ai eu le sentiment de lire un compte rendu détaillé et minutieux fait par un simulacre... 

Au fait, vous ne trouvez pas que ça sent l'herbe fraichement coupée ?

Elle était impitoyablement, inlassablement létale. La différence, c'était qu'il savait qu'elle ne le détestait pas de son coté. Il croyait l'hypercolonie incapable de cette émotion comme de toute autre. Elle avait la létalité magnifiquement indifférente d'un champignon vénéneux ou d'un insecte venimeux. 
 

En résumé... 

Les plus;
  • Une entité extraterrestre intéressante et complexe, 
  • une lutte pour la survie des humains. 

 Les moins;   
  • Beaucoup de bonnes idées non développées, 
  • cent cinquante pages médianes pas vraiment utiles au récit, 
  • beaucoup de répétitions de même éléments tout au long du récit, donnant le sentiment de "meubler", 
  • des personnages qui ne m'ont pas touchée,
  • Une fin sans réponses ni évolution par rapport au début du roman.

En conclusion;

Un rendez-vous manqué pour ma part, bien que j'ai abordé ce roman avec enthousiasme. Pour autant je ne m'arrêterai pas là dans la découverte de cet auteur, et compte bien lire d'autres de ses œuvres. 


La chenille n'était guère qu'un moteur protéinique qui se conformait à une suite de comportements prédéterminés. Tout comme moi, sauf que dans l’espèce à laquelle appartenait Ethan, l'évolution avait produit un moi conscient à base de chimie et d'imprévu. 
Je ressens, donc j'ai en horreur.


cités dans cet article





Pour aller un peu plus loin ;




 L'avis ici  de Miss Leo :)