jeudi 20 novembre 2014

Mademoiselle B de Maurice Pons

  Et alors ? Coupais-je brusquement. Qu'est-ce que ça prouve ? Elle porte des gants, et voilà.

Si vous ne lisez que ces lignes;

Une ballade en pays de cocagne, aux croisées des rumeurs et du bon sens paysan. Une histoire du quotidien se mâtinant de fantastique, en un retour aux sources du citadin qui porte encore en lui les bons gènes faisant de lui un réadapté aux logiques terriennes...  

Maurice Pons

Né à Strasbourg en 1925, Maurice Pons est un écrivain français.
Après avoir entrepris des études de philosophie qu'il s'empresse d'abandonner, il publie sa première nouvelle en 1951 chez Julliard, Métrobate qui sera suivi en 1953 de La Mort d'Eros. En 1959 chez Julliard suit un recueil de récits, Virginales, qui obtient le prix de la Nouvelle et dont François Truffaut tirera le scénario de son film Les Mistons.

Comédien amateur, il devient journaliste et éditeur d'occasion, collaborant à la revue Arts et travaillant chez Cino Del Duca, avant d'abandonner définitivement la vie parisienne pour se retirer en 1957 au d'Andé.

En 1958, il écrit un roman autobiographique Le cordonnier d'Aristote (Julliard) et surtout en 1960 Le passager de la nuit (Julliard), récit sur la guerre d'Algérie. Maurice Pons est un des signataires du manifeste des 121.

En 1965, il publie Les Saisons chez Julliard, titre réédité en 1971 et 1992 par Christian Bourgois.

Nombre des romans de Maurice Pons ont été portés à l'écran, au théâtre, où transposés en spectacles de danse. Depuis son premier recueil Virginales jusqu'aux Délicieuses frayeurs parues en 2006, la plupart de ses ouvrages, et notamment ses deux romans les plus connus (Les Saisons et Rosa) n'ont cessé d'être réédités et traduits à l'étranger.

Écrit en  1973, Mademoiselle B vient d'être réédité aux éditions Denoël.


Le pitch  
  
Du village où il vit, Maurice Pons raconte les étranges rumeurs qui entourent une certaine Mademoiselle B. : une créature sans âge, toujours vêtue de blanc, qui attirerait les hommes et les pousserait au suicide. Maurice Pons, alors en mal d’écriture, se retrouve pris au cœur de l’enquête. Tout aussi méfiant que fasciné, il se passionne pour le cas de Mademoiselle B.

«On frissonne, on s’émerveille du savoir-faire de l’auteur, de son aptitude à raconter le surnaturel avec naturel, le fantastique avec une trompeuse bonhomie : c’est du superbe travail de romancier.»
François Nourissier.

 Des racontars, des bruits, des on-dit que, ta-ta-ta. C’est du vent tout ça… dans ta tête. Tu ferais mieux d'aller la sauter cette donzelle, et on en parlerait plus!


Ce que j'en ai pensé

D’abord et avant tout, il y a la nature. Un pays d'eau, où les canaux ne cèdent la place qu'aux arbres gigantesques, où les villageois naviguent en barques pour aller boire un canon... Des éblouissements de verts, des matins de brume, de soleil ou de pluie, une nature marquant inexorablement l'écoulement des vies humaines. 

Naturaliste dans l'âme, Maurice Pons dépeint avec gourmandise nature, lumière et humains à la manière d'un Buffon; il y a de cette méditation par le paysage dans cette écriture, rappelant par moment le Portrait d'un homme heureux d'Orsenna.

Puis viens le village. Définit par les routes le liant à la pharmacie la plus proche ou à Paris, il est un ensemble de lieux contenant la vie de ses habitants. Les maisons y sont décrites pour mieux cerner leurs habitants, les rues sont les décors de scènes de la vie de tous les jours, alliant cocasse et routine en un subtil mélange délectable. 

Auteur en exil volontaire, justifiant son inactivité par une nature indolente, adopté par les villageois comme une curiosité à ajouter au patrimoine, il est le citadin revenant au bon sens paysan, celui qui, par ses comportements, démontre une originalité à mettre au compte des aspects fantasques de l'artiste tout en démontrant des qualités indéniables valorisées par les gens du cru. Réhabilitation  du coupé de ses racines, il est une figure positive de la communauté. 

Avec toute la liberté que peut donner une acclimatation tardive à un lieu et ses us et coutume, Maurice Pons se détermine un rôle étant l'exact opposé de celui de Mademoiselle B...

Demoiselle mystérieuse sans âge et née des légendes grivoises, historiques et païennes du cru, Mademoiselle B est un fantôme incarné, une sorcière pour les femmes, une borne délimitant un danger pour tous. Même les institutions républicaines, cordon ombilical avec la civilisation et la rationalité s'y heurte à un voile opaque, justifiant par là même toutes les fantasmagories brodées autour de cette mystérieuse femme...

 Entre ces deux points, se situent le fou du village, Pan alcoolique qui se réclamait être le père de la demoiselle, les solides Quérolles, tenancier du bar, Rendu, le paysan à la malice moqueuse, les gendarmes qui tentent de s'en tenir aux faits, les politiciens corrompus et les civilisés devenus fous, rongés par un mal mystérieux que transportent les brumes de l'ennui et de la perte de rationalité... 

Véritable cartographie sociale d'un village comme il en existe tant d'autres, monographie ethnologique de la France profonde, l'on y croise avec plaisir des standardistes joyeuses, des jeunes  paumés, une femme de ménage pieuse et superstitieuse... 

C'est dans ce village français des années 70 qu'un matin un cadavre fait son irruption aux pieds du jardin de Maurice Pons, flottant au milieu des mystères entourant mademoiselle B. Commence alors une enquête menée par l'auteur, tenant plus de l'obsession, allant en se renforçant au fur et à mesure que les morts s'amoncellent... 

A l'image d'une Venus d’Ille, mademoiselle B mènera peux à peux chacun aux bords de la folie, bien malgré elle peut-être... 

La maison n'est ni grande ni belle, mais c'est une vraie maison et je m'y trouve bien.

 

En résumé... 

Les plus;
  • Une écriture fluide et peignant agréablement les scènes et les protagonistes, 
  • une histoire rondement menée, desservie par des personnages pittoresques, 
  • un récit sur la frontière floue entre superstitions et réalité dans les campagnes.     

Les moins
  • Bien moins de surnaturel qu'attendu à la lecture du quatrième de couverture...   

En conclusion  

Un récit distrayant et agréable à lire, comportant un fond à méditer sur les ravages des superstitions, que l'écriture rythmée et imagée sert à merveille.


cités dans cet article 
Un autre avis bien intéressant : ici

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire