dimanche 30 novembre 2014

Trois oboles pour Charon de Franck Ferric



La mort rend les indociles plus grands que de leur vivant. Mais celui-là était déjà immense lorsqu'il respirait encore.

Si vous ne lisez que ces lignes;


L'humain et ses luttes intrinsèques est mis en lumière au fil des temps et des pages de ce roman en la figure d'un personnage emblématique. Formant un drôle de duo avec son gardien, Charon, toute la question est de savoir qui est le tortionnaire de l'autre... 

L'humanité peut-elle évoluer asses vite pour se prémunir de l'auto-destruction ? Lisez donc Trois oboles pour Charon...

Franck Ferric

Nouvelliste, diplômé en histoire, Franck Ferric a publié dans diverses revues culturelles et anthologies de littératures dites de l’imaginaire, notamment aux éditions de l’Oxymore, Nuit d’Avril et récemment dans le magazine Elegy. 
   
Fasciné par la limite ténue qui sépare la raison de la folie, par les déserts et les villes, et par la matière dont sont modelés les rêves et les cauchemars, ses influences littéraires sont faites de morceaux de Lovecraft, de Léa Silhol, de Bukowski, de Hesse.


 Trois oboles pour Charon, son dernier roman, vient de paraître aux éditions Denoël.  
Une interview intéressante sur Trois oboles pour Charon ici.

Marches nocturnes (2007)
La loi du désert (2009)
Révolutions (2011)
Les tangences divines (2011)
Dernière semaine d'un reptile (2013)
Retour à silence (2014)
Trois oboles pour Charon (2014)


Voilà que tu découvres enfin une vérité du monde : est vivant celui qui se bat. Il n’y a que les morts pour savoir la paix.

Le pitch   


Pour avoir offensé les dieux et refusé d'endurer sa simple vie de mortel, Sisyphe est condamné à perpétuellement subir ce qu'il a cherché à fuir : l'absurdité de l'existence et les vicissitudes de l'Humanité. Rendu amnésique par les mauvais tours de Charon – le Passeur des Enfers qui lui refuse le repos –, Sisyphe traverse les âges du monde, auquel il ne comprend rien, fuyant la guerre qui finit toujours par le rattraper, tandis que les dieux s'effacent du ciel et que le sens même de sa malédiction disparaît avec eux. 


Dans une ambiance proche du premier Highlander de Russell Mulcahy, Trois oboles pour Charon nous fait traverser l'Histoire, des racines mythologiques de l'Europe jusqu'à la fin du monde, en compagnie du seul mortel qui ait jamais dupé les dieux. 
 

L'unique chose qui parvenait encore à me convaincre d'avancer était l'ennui. 

Le Maubec me l'avait appris : rester seul avec soi-même trop longtemps menait à la folie.  Et j'étais d'un tempérament trop solide, trop borné, trop sanglier pour laisser facilement la démence m'envahir. Toujours, la lassitude l'emportait sur l'inertie, et alors il fallait que je me lève.

Ce que j'en ai pensé


Trois oboles pour Charon m'est apparut comme un roman de la mémoire. A la manière d'une tragédie grecque, il pose la question en une suite de répétitions, de variantes, posant le tempo et le pouls d'une humanité violente et autodestructrice. 



Grandissant à l'allure des croyances et fois de l'humanité, les forces en présence évoluent et posent les grandes questions des métaphysiciens  au cours des siècles. 

Pourquoi ? Comment ?  Quelle destinée pour l'humanité ? Quid du libre arbitre ?



Roman de la mémoire donc, mais de celle que confère l'histoire, outil créé par ceux qui, ayant perçut l’inanité de nos laps de temps trop courts que sont nos vies, avaient compris que seule la mémoire longue nous sauverait. Car la mémoire humaine, à l'image du héros de Trois oboles pour Charon, est un piège de Tantale, un tonneau des danaïdes pour toute forme de sagesse que pourrait acquérir l'humanité.



Voici donc le cruel cadeau des dieux fait aux hommes personnifiés par le Sisyphe de Franck Ferric. Mais, poser en négatif, Charon le passeur, le dieu, vit comme une persécution la répétition des questionnements humains. Plaie à vif, les éternels atermoiements de Sisyphe et son incapacité à retenir les leçons de l'histoire mettent au supplice ce dieux qui n'oublie rien et sais presque tout...



Imagée comme une bande dessinée, la plume de l'auteur décrit à merveille les époques, costumes ou patois usités au cour des péripéties de son héro. Véritable caméléon, le style de l'auteur toujours identifiable se coule à merveille aux environnements évoqués, permettant une cohérence de son récit mais également de son héro tout au long du roman. 



Procédé intéressant pour la rythmique du récit, la répétition d'épisodes de guerre me fut pénible. Certes, seul celui qui se ferme aux nouvelles du monde peut ignorer la continuité de conflits armés et sanglants dans notre espèce, cependant, quelques temps morts en plus de réflexion et d'introspection du héro m'auraient plut. 



Sisyphe, véritable montagne de muscles, parfois plus animal qu'humain, est confronté, malgré sa force et sa ruse, à ses limites humaines: il ne sait que réagir à l’inévitable. C'est en cela que j'ai trouvé ce personnage peux attachant et même, avouons-le, parfois lassant : son manque d'analyse et de recul, même une fois le temps long reçut en partage. Cependant, ce choix de l'auteur est tout à fait justifiable par la condition de simple humain de son héro, même s'il est plongé dans une temporalité qui n'est pas la sienne...



Franck Ferric signe ici un pamphlet contre la guerre et la bêtise humaine, nous faisant boire jusqu'à la lie cette histoire de l'humanité qui, certainement, restera prédominante. Paris réussit donc; la guerre, la violence, sont nos propres démons qui nous dévorent. Restent qu’aucune porte de sortie n'est envisagée ici, aucune piste de réflexion proposée, et c'est peut-être le reproche principal que j'adresserai à ce roman.  

L'aventure humaine par sa face sombre nous est donc contée dans ce roman; sa violence et ses belligérances, qui, paradoxalement, sont les raisons de sa survie et de ses avancements technologiques et philosophiques... 

Cette volonté d'échapper à sa condition, n'est-ce, alors, pas le principale supplice de Sisyphe de l'humanité ?



En résumé... 

Les plus;


  • Une plume imagée, vive, donnant du rythme et des couleurs aux nombreuses étapes du récit,
  • un questionnement profond intéressant abordant de nombreux thèmes majeurs,
  • un duo stimulant entre les deux principaux protagonistes.

Les moins;   


  • Un procédé de répétition situationnel qui, s'il se justifie par l'histoire, peut être lassant,
  • un défaut d'empathie (pour ma part) avec le personnage principale,
  • un manque d'ouverture à des solutions possibles pour le devenir de l'humanité...   



En conclusion;


Un roman au projet ambitieux, qui remplit son contrat avec brio mais qui ne m'a pas touchée. Malgré les thèmes majeurs abordés par ce texte ainsi que la qualité indéniable de la plume de l'auteur, je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire... Peut-être est-ce normal vu l'immensité de son personnage principal et des temps couverts au fil des pages ?  

Pour aller un peu plus loin  


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire