jeudi 21 mai 2015

L'héritage des rois passeurs de Manon Fargetton

Le cœur d’Enora cognait à tout rompre dans sa poitrine.
A genoux derrière la maison de Hank, les mains plongées dans la terre meuble, elle essayait de faire abstraction de la bataille qui faisait rage autour d’elle. Un éclat métallique menaçant lui fit pourtant relever les yeux. Deux épées se croisèrent avec fracas à quelques centimètres de sa tête.
- Qu’est-ce que tu attends ? Rugit Julian en repoussant de toutes ses forces son adversaire.



Si vous ne lisez que ces lignes;


Un roman d'héroic fantasy pasionnant, haletant, mené intelligemment pour le plus grand plaisir des lecteurs ! Réel moment de plaisir, l'aventure vous emportera dans une course-poursuite sans temps morts auprès de personnages hauts en couleurs dans un royaume inédit. Sautez donc dans ce trou vous dis-je ! 

-Et pour vous qu'était-elle ? 
- Un rayon de lumière qui se posait de temps à autre dans mon regard avant de s'en aller poursuivre son chemin de sons. J'acceptai cette clarté avec plaisir. 


Manon Fargetton 

Manon grandit à Saint-Malo, entre la musique et les mots. Son bac S en poche et son premier roman achevé (Aussi libres qu’un rêve, Mango, 2006) elle passe deux ans à Nantes pour préparer un Diplôme des Métiers d’Arts en régie de spectacle, puis débarque à Paris et poursuit ses études de théâtre à la fois à l’université et en conservatoire.

Après avoir obtenu un master en Études Théâtrales, Manon cumule les casquettes : régisseuse lumière au théâtre, « écriveuse », musicienne de salle de bain… Sa vie est un chantier permanent. Et elle adore ça !

On l’avait découverte en 2005, aux côtés des maîtres du genre, dans Premier Contact, une anthologie des éditions Mango. Son premier roman, Aussi libres qu’un rêve, est sorti en 2006. Elle revient en 2012 avec June, une trilogie Jeunes Adultes qui ressort en 2014 aux éditions Rageot dans une version très remaniée. Chez ce même éditeur, elle s’essaye aussi au thriller avec Le suivant sur la liste (Rageot, 2014).

Paru en 2015 chez Bragelonne, L'héritage des rois passeurs est son dernier roman. 

Elle se détourna et détailla le mur d'en face. Rouge, si rouge, presque dérangeant à force, comme les replis d'une terre gorgée de sang. Une mer de corps frissonnants de désir. C'était...  terriblement vivant. Sans qu'elle puisse l'expliquer, contempler l’œuvre inachevée de Jana confortait Enora dans sa détermination. Elle voulait vivre encore. Accepter de laisser derrière elle les morts qui la hantaient à chaque instant. Mais pour cela elle devait leur rendre justice. 


Le pitch

Ombre, univers peuplé de magie, et Rive, le monde tel qu’on le connaît, sont les deux reflets déformés d’une même réalité.  

Énora est unique : elle peut traverser d’un monde à l’autre. Lorsque sa famille est brutalement décimée par des assassins masqués, elle se réfugie au seul endroit où ses poursuivants ne peuvent l’atteindre. Au royaume d’Ombre, sur la terre de ses ancêtres. 

Là-bas, Ravenn, une princesse rebelle, fait son retour après neuf ans d’exil passés à chasser les dragons du grand sud. Sa mère, la reine, est mourante. Ravenn veut s’emparer de ce qui lui revient de droit : le trône d’Ombre. Et elle n’est pas la bienvenue. 

Deux mondes imbriqués. Deux femmes fortes, éprouvées par la vie. Deux destins liés qui bouleverseront la tortueuse histoire du royaume d’Ombre…

Une vouivre piquait droit sur elle, griffes en avant, gueule ouverte, gorge gonflée de feu prêt à se répandre. En un instant Ravenn sentit sa peau de hérisser d'effroi. Elle était voltigeuse, elle triomphait par ruse et habileté, non par attaque frontale. Devant cette vision de férocité pure qui se précipitait sur elle, elle restait figée, le cœur battant, incapable de réfléchir. 


Ce que j'en ai pensé


Autant l'avouer tout de go; la fantasy n'est pas un genre littéraire auquel j'aime à me frotter habituellement, étant souvent déçue par les redondances de stéréotypes ou par le fatras parfois incompréhensible de certains opus... 

Malgré cette appréhension, j'ai adoré L'héritage des rois passeurs. Dévoré en un temps record, avec, chevillée au corps, l'envie de toujours savoir ce qu'il allait advenir, ce roman addictif regorge pourtant de clins d’œils  à nombre de figures du genre... Allant d'Alice au pays des merveilles avec le trou magique à Tolkien avec Gandalf le gris, les références émaillent le tout pour lui donner du corps, homogénéité à laquelle on serait bien tenté de croire...

Ici pourtant point d'elfes ni de créatures magiques, excepté quelques nuisibles dragons, mais des mages et une hiérarchie mêlant lignées royales, magiciens et ordres religieux. En seulement 400 pages, Manon Fargetton forge un monde cohérent et solidement établit, nous livrant peu à peu les secrets de la fondation même de ces univers, tout en emportant son lecteur dans les aventures de deux groupes de personnages. 

Mêlant intrigues politiques et forces mystiques, L'héritage des rois passeurs m'a fait songer quelques fois à la trilogie de Fiona Mcintosh Le dernier souffle, les deux œuvres recélant des trésors de rebondissements et une utilisation de la magie cohérente et modérée. 

Aérant agréablement le texte et permettant des visions décalées ou élargies parfois de l'histoire d'Ombre, de courts textes tirés des archives émaillent le récit. Plongé dans les péripéties des personnages tous plus attachants les uns que les autres, le lecteur peut également embrasser une vision d'ensemble, collant par là aux destinées des dieux...


Rencontre de deux mondes au travers de deux femmes fortes et indépendantes, Enora et Ravenn, le récit mêle agréablement différences de langages et de comportements, soufflant un sentiment d'étrangeté agréable et logique. Jouissives à lire, ces différences langagières construisent un peu plus l'aspect tangible de ces rencontres. 

Tragique par certains aspects (dont je ne vous dévoilerai rien), ce roman est une traversée des mondes, de la vie, de la mort mais aussi des destins et des fils les reliant... Tissant la destinée de royaumes, les vies y sont des pièces d'échec sur un grand jeu où même les joueurs y sont partie prenante. 

Y souffle un vent de grandeur, un mystère planant sur le tout, bien plus grand que les protagonistes quels qu'ils soient ! Entre les noirs portraits, doubles gémellaires de mondes différents, les forces en équilibres et les effets de miroirs, la loi de cause à effet reste implacable: un donné pour un pris. 

Peut-être est ce là la force première soufflant sur Ombre ? 
A vous de le découvrir...


En résumé

Les plus :
  • Un monde riche et bien construit,
  • des personnages attachants,
  • un rythme haletant,
  •  des références en clins d’œils sympathiques sans tomber dans le pastiche.


Les moins :
  • Je n'ai pas vue de suite annoncée pour le moment !! 


En conclusion

Un roman d'heroic fantasy tout sauf enfantin, mêlant tragédie et grandeur, alternant les moments drôles aux actes héroïques. Premiere plongée dans les lignes de l'auteure, je ne manquerait pas de me pencher sur cette Encrée de talent !  

Je l'ignore.
Je l'ignore mais j'ai peur. 
Enora et Erwan auront huit ans demain. Chaque anniversaire sonne en moi comme le gong cruel d'un compte à rebours. 


Cités dans cet article 



 


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