jeudi 17 septembre 2015

La perle de John Steinbeck

Car on dit que l'homme n'est jamais satisfait ; qu'une chose lui soit offerte et il en souhaite une seconde. Cela est dit dans un sens de dénigrement et c'est cependant là une des plus grandes qualités de la race humaine, celle qui la rend supérieure aux animaux, lesquels se contentent de ce qu'ils ont.


Si vous ne lisez que ces lignes;

Faire parler une culture non-verbale, écrire sur une humanité  qui pense sans littérature, c'est là le tour de force de Steinbeck dans La perle. Tiré d'un conte traditionnel mexicain, ce court roman humaniste sur des amérindiens californiens la force d'un tsunami. 

 Il avait dit : « Je suis un homme » et cela signifiait beaucoup de choses pour Juana. Cela signifiait qu’il était à moitié fou et à moitié dieu. Cela signifiait que Kino se lancerait de toute sa force contre une montagne, précipiterait toute sa force contre la mer. Dans son âme de femme, Juana savait que la montagne resterait immuable tandis que l’homme se briserait ; que les marées se poursuivraient tandis que l’homme se noierait. Et cependant, c’est tout cela qui faisait de lui un homme, demi-fou, demi-dieu, et Juana avait besoin d’un homme ; elle ne pourrait pas vivre sans un homme. 


John Steinbeck

fils de John Steinbeck Senior, qui est trésorier, et d'Olive, une enseignante. Son grand-père paternel est d'origine allemande. Il a trois sœurs : Elizabeth (1894-1992), Esther (1892-1986) et Mary (1905-1965). Après le lycée de Salinas, il étudie à l'université de Stanford, mais abandonne ses études et part à New York en 1925.
Il travaille brièvement au New York American et rentre à Salinas en 1926. Son premier roman, La Coupe d'or, une fiction historique écrite en 1929, n'a pas de succès. En 1936, il publie Des souris et des hommes et En un combat douteux. Trois ans plus tard parait, ce qu'il considère comme sa meilleure œuvre, Les Raisins de la colère. En 1940, lorsque le roman est adapté au cinéma, il reçoit le prix Pulitzer. Il publie son autre grand roman À l'est d'Éden en 1952.

Tortilla Flat, écrit en 1935, lui vaut son premier prix littéraire, la médaille d'or du meilleur roman écrit par un Californien décernée par le Commonwealth Club of California. Cette histoire humoristique lui assure le succès. Il devient ami avec son éditeur, Pascal Covici.

Dans ses romans, Steinbeck met souvent en scène des personnages issus de la classe ouvrière confrontés à la Grande Dépression en Californie.

Tout au long de sa vie, John Steinbeck aime se comparer à Pigasus (de pig, cochon en anglais et Pegasus), un cochon volant, « attaché à la terre mais aspirant à voler ». Elaine Steinbeck explique ce symbole dans une lettre en parlant d'une « âme lourde mais essayant de voler ». 

Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1962 ainsi que
la médaille de la Liberté des États-Unis en 1964. 

La perle, parut en 1947, à été adapté au grand écran.  La Perle (La perla) est un film américano-mexicain réalisé par Emilio Fernández, sorti en 1947. Il a été tourné en deux versions alternatives, l'une anglaise, l'autre espagnole. Depuis 2002, il est inscrit au National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès.

Bien qu'il fût encore très tôt, le mirage brumeux s'était déjà levé. Cette atmosphère incertaine qui amplifie certaines choses et en dissimule d'autres, enveloppait le Golfe tout entier, si bien que le panorama semblait irréel et qu'on ne pouvait pas faire confiance à ses yeux : la mer et la terre offraient tout à la fois la précision aiguë et la nébulosité d'un rêve. C'est sans doute pourquoi les gens de Golfe croient aux choses de l'esprit, de l'imagination, mais ne s'en remettent jamais à leurs yeux pour estimer une distance ou évaluer un détail avec quelque exactitude.


 Le pitch 

Dans la ville, on raconte l'histoire d'une grosse perle - comment elle fut trouvée, puis perdue à nouveau ; l'histoire de Kino, le pêcheur, de sa femme Juana et de leur bébé Coyotito. Et comme l'histoire a été si souvent racontée, elle est enracinée dans la mémoire de tous. Mais, tels les vieux contes qui demeurent dans le cœur des hommes, on n'y trouve plus que le bon et le mauvais, le noir et le blanc, la grâce et le maléfice - sans aucune nuance intermédiaire.

Jouant de sa lame comme d'un levier, il le fit céder et le coquillage s'ouvrit. Les lèvres de chair se crispèrent puis se détendirent. Kino souleva le repli et la perle était là, la grosse perle, parfaite comme une lune. Elle accrochait la lumière, la purifiait et la renvoyait dans une incandescence argentée. Elle était aussi grosse q'un œuf de mouette. C'était la plus grosse perle du monde.

 

 Ce que j'en ai pensé

Kino et Juana sont des indiens de la péninsule mexicaine de Basse-Californie. Simples pêcheurs, leur peuple vie dans des huttes aux portes de la ville des blancs, riches et excluants. Deux mondes cotes à cotes qui n'ont quasiment aucun échanges, les blancs méprisant les indiens, les voyant comme des sauvages. 

Roman anthropologique avant l'heure, La perle décrit un de ces peuples qui habitent encore le temps mythique si cher à Mircea Eliade ou Claude Lévi-Strauss, un temps où le profane et le sacré ne sont pas encore déterminés l'un de l'autre.  

Kino et Juana n'ont pas de grands besoins et leur vie s'écoule, rythmée par le silence du quotidien. Un jour cependant, le mirage de la civilisation se fait impétueux, seule solution miroitante à leurs yeux pour sauver leur fils ;La Perle.  

Allégorie du tout désiré chez celui qui semble tout posséder, miroir aux alouettes, La Perle est ici, l'aller sans retour du simple et du naïf ne sachant voir la richesse qu'il possède vers l'enfer qui accompagne la civilisation occidentale. Négatif total du K de Buzzati, ici la perle n'est pas une offrande qui révélera le meilleur en chacun, bien au contraire, elle sera de celles qui transforme les humains en requins....    

L'écriture, superbe, de Steinbeck, est à elle seule une raison suffisante pour lire ce magistral bien que fort court roman. A cela s'ajoute une dimension humaniste débarrassée de tout paternalisme, usant des thèmes universels de la dignité, de l'amour filial ou encore du désir de réussite, notion si vague et floue, qui habite chaque être humain, mais également nos plus bas instincts dont Kino sera la proie...

La nature, force implacable et belle, y est présente et s'adjoint au cycle de vie et de mort, chantant d'une voix sourde la même mélopée que celle de la mer pour le vieil homme d’Hemingway. Roman tragique, c'est avec fascination que l'on lit l'histoire de Sisyphe de Kino et Juana, espérant de façon irrationnelle que le roman et le destin auront un sursaut de bonté: anthropomorphisme des religions premières nous restant face à l'absurde de la vie. 

Au sortir, l'évidence s'impose; nous n'avons donc jamais été modernes....

Kino hésita un instant. Ce docteur-là n'était pas des siens. Il faisait partie de la race qui, pendant prés de quatre siècles, avait battu, volé, affamé et méprisé Kino et ses pareils et les avait si bien terrorisés que l'indigène, désormais, ne se présentait devant sa porte qu'avec humilité. Et, comme chaque fois qu'il approchait l'un d'eux, Kino se sentait faible, craintif, famélique, et plein de rage tout à la fois. La haine et la peur vont de pair. Il aurait pu tuer le docteur plus aisément que l'affronter, car tous ceux de la race du docteur parlaient à ceux de la race de Kino comme s'ils avaient été de vulgaires animaux.


En résumé... 

Les plus;
  • Un style intemporel et inimitable,
  • un conte universel,
  • un chef d’œuvre littéraire. 

 Les moins;   
  • Trop, très court,  donc à déguster...
 Nous savons bien que nous sommes volés, depuis notre naissance jusqu'au prix exorbitant de nos cercueils. Mais nous survivons. Ce que tu as défié, ce n'est pas les acheteurs de perles, mais le système entier, toute une manière de vivre, et je tremble pour toi.
 
 

En conclusion;

Conte sur le pouvoir de l'argent et des rêves toxiques sur l'humain, La perle est une histoire si simple qu'elle aurait pu être banale. Par la plume de Steinbeck elle y trouve une dimension mythologique, devenant conte cruel. Entre les pages rient en silence des dieux cruels, regardant les graines des poisons semés dans le cœur des Hommes germer. 
 
 Ces flaques étaient des foyers de vie, grâce à leur eau et, 
par cette même eau, des foyers de mort.
 
 
 cités dans cet article

 
 Pour aller plus loin

Il est a se demander si le peuple cité dans ce roman, ou du moins sa triste survivances n'est pas le peuple Chumash...
 
 
 

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